ateliers
d'ethnomusicologie

Voyage en Roumanie. Maramuresh et Bucovine. Au pays des musiciens de village

Sortir des murs | 11 janvier 2022 | Mathieu Clavel

Depuis plusieurs années, les ADEM se sont associés avec l’agence Voyages & Culture, pour proposer des voyages originaux qui mêlent intimement découverte des patrimoines architectural, culturel et musical des pays visités. Du 26 septembre au 4 octobre 2021, un groupe de voyageurs curieux s’est glissé dans les pas de Belà Bartok, un des pères de l’ethnomusicologie, sous la houlette de Doinița, guide et interprète roumaine, et de Mathieu Clavel, complice de longue date des ADEM, musicien et professeur de rubab afghan, passionné des traditions musicales du monde. Ce dernier signe dans les lignes qui suivent un sympathique témoignage de cette aventure roumaine.

Texte de Mathieu Clavel, introduit par J-Alexis Toubhantz

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Musiciens traditionnels roumains
Le groupe
Ceteraşii din Breb (violon, zongora (guitare modifiée), grosse caisse avec cymbale) dans le village de Hoteni, région du Maramureș - crédits photo : Mathieu Clavel

 

Longue fut l’attente de ce voyage musical vers la Roumanie, initialement programmé à l’automne 2020 … mais nous y voilà, pris par le bonheur indicible de reprendre la route en quête de sonorités réjouissantes ! Après un petit tour par le centre historique de Cluj, nous gagnons les hauteurs du Maramureş (Nord-Ouest de la Roumanie), qui nous accueillent sublimées d’une palette automnale enivrante. Musiques de village, nous y sommes : ce sont trois forts gaillards du hameau d’à côté qui entament les festivités de notre aventure, en formation canonique violon-zongora (guitare) – grosse caisse, et la puissante voix de notre ténor – qui ne s’interrompt que pour se rafraîchir à l’eau de vie.

 

musiciens traditionnels roumains
Concert à Hoteni, Maramureș (deux violons, zongora (guitare modifiée), grosse caisse avec cymbale) - crédits photo : Mathieu Clavel

 

De jour, nous admirons le travail du bois traditionnel à travers le portail œuvré qu’arbore chaque maison, ou les églises entièrement de bois et magnifiquement tavillonées qui font la fierté de la région. Puis nous délaissons le bois pour les fers, le temps d’une visite au musée des Victimes du communisme installé dans les anciennes geôles de Sighetu Marmației, qui nous éclaire sur les réalités de la Roumanie du siècle passé. Visions terribles qui s’accordent bien peu avec ce peuple si chaleureux et accueillant que nous côtoyons depuis quelques jours.

Nous avons deux autres occasions d’apprécier la virtuosité des violonistes du cru, et la dernière rencontre se termine même en « jam-session », avec l’introduction du rubab afghan (que je pratique) dans l’instrumentarium local. Nous serions tentés de croire qu’il s’agissait d’une première !

Au cinquième jour, nous quittons le Maramureş et donc la Transylvanie pour la Bucovine, en Moldavie roumaine. Nous nous installons pour trois nuits à la Casa din Cerbu (maison des cerfs) de Sucevița, chez notre formidable guide Doinița, une adresse immanquable pour découvrir la Bucovine et ses traditions. La pierre fait son apparition et ce sont les extraordinaires monastères des XVe-XVIe siècles aux églises entièrement peintes (extérieurement et intérieurement) qui retiennent toute notre attention. Lieux d’une rare beauté et bijoux d’iconographie chrétienne, dont quelques secrets nous serons révélés dans un français irréprochable par l’austère sœur Tatiana, un sacré personnage.

 

musiciens traditionnels roumains
Le Taraf de Totolica (violon, accordéon, trompette, fluier (petite flûte droite) grosse caisse avec cymbale) à Sucevița, Bucovine - crédits photo : Madeleine Rousset Grenon

 

Dans un village, nous sommes reçus en grandes pompes par la fanfare locale qui offre à notre petit groupe un moment mémorable de musique et de de danse. Dernier soir de fête en Bucovine, c’est l’orchestre qui vient à nous. Ami de longue date de la famille, « le couturier » nous enchante par la finesse de son jeu à la trompette, qui résonne tout de même sacrément fort dans la salle à manger de la Casa din Cerbu. Une musique nécessairement plus mélancolique que celle des jours passés, car l’âme slave est dans l’air ; nous découvrons d’ailleurs le peuple houtsoule, dont la culture ukrainienne marque la région.

Redescendus par la Transylvanie au gré de villages magyares, nous passons la dernière nuit de ce magnifique voyage logés dans une charmante auberge, où deux musiciens nous font oublier notre départ tout proche. On ne s’y trompe pas, l’accordéoniste est bien tsigane : son jeu endiablé, plein de malice musicale, comme une invitation à retourner sur les routes de ce beau pays roumain, où il y a encore tant de richesses à écouter.

 

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