Tapanak, photographie-montage de Marine Delcroix
Depuis 1983, dans leur oasis au goût d’ailleurs si proche de la gare de Genève, les Ateliers d’ethnomusicologie (ADEM) offrent une place aux cultures du monde à travers des cours, des échanges et des événements artistiques. Cet automne, plusieurs propositions sont dédiées tout spécialement au jeune public : La Croisée des Z'Ethnos et le festival Les Nuits du Monde, sans oublier les cours réguliers destinées à approfondir les pratiques musicales et dansées d’une culture.
Texte : Katia Meylan
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Avec les chamboulements de cette année, l’équipe des ADEM a été amenée à reconfigurer ses événements. Les stages de la Croisée des Z’ethnos, initialement prévus pendant les vacances d’été, ont été repoussés. Le RamDamJam de mars 2020, qui devait être la 4e et dernière édition de ce festival pour les enfants, s’est vu annulé. Pour sauver ces invitations dont ils se réjouissaient, Fabrice Contri, directeur des ADEM, et Astrid Stierlin, responsable de la programmation jeune public, imaginent alors une alternative: rassembler en novembre, dans leur festival Les Nuits du Monde, les spectacles jeunes publics qui auraient dû avoir lieu au printemps et les concerts d’artistes avec qui l’association a tissé des liens ces dernières années. Ainsi, musiques et danses de toutes les régions du monde seront réunies sous le thème Escapades musicales.
La Croisée des Z’ethnos – immersion dans une culture
Pour le bonheur des petit∙e∙s curieux∙ses, les stages de découvertes organisés chaque été depuis 2006 par les ADEM n’ont pas été annulés, simplement déplacés. Ainsi, pendant leurs vacances d’automne, les 6-8 ans s’initieront à la culture mandingue pendant que les 9-12 ans découvriront le Japon. Djembé, balafon, danse d’Afrique de l’Ouest, contes et teinture végétale pour les un∙e∙s, taïko, Nihon Buyō, origami et même cuisine au matcha pour les autres. Sans compter les visites dans les institutions genevoises telles que le Musée des arts d’Extrême-Orient ou le Jardin Botanique…
"C’est un approfondissement éclair mais dense", affirme Irène Overney, organisatrice des Z’ethnos. Avec cinq journées de 8h30 à 17h30, le programme semble en effet intense! "Mon défi est d’équilibrer l’attention requise, de panacher l’apprentissage de nouveautés artistiques, les activités manuelles, les moments où ils sont sur scène et ceux où ils sont spectateurs", explique-t-elle.
À la fin de la semaine, les artistes en herbe ont l’occasion de monter sur scène pour partager le fruit de leur apprentissage avec leurs familles. "Ils enfilent les habits traditionnels, on les maquille, on allume les éclairages… c’est tout un petit rituel", sourit Irène en y pensant. "Certains ne le font pas, mais ce n’est pas grave, car le but de la semaine n’est pas le spectacle mais le chemin".
Il reste quelques places pour qui souhaiterait s’inscrire !
Kassoum Coulibaly, à la harpe-luth Kora,
ambassadeur de la culture mandingue d'Afrique de l'Ouest.
Les Nuits du Monde – célébrer les retrouvailles
La semaine suivante déjà, les Escapades musicales feront tenir le monde dans un festival; les sons et les gestes de ses steppes, de ses savanes, de ses monts et de ses mers.
Aux choix musicaux de Fabrice Contri répondront en écho les spectacles dansés programmés par Astrid Stierlin. Cette dernière nous parle notamment de la soirée du 5 novembre à l’Alhambra, lors de laquelle les artistes Maria Robin et Shadi Fathi mêleront musique persane, flamenco, danses et chants du Rajasthan: "C’est le genre de propositions qui sont souvent issues du la Croisée des Cultures (ndlr: la semaine de stage pour adultes, qui fait se croiser des professeurs-artistes de tous horizons), dans la lignée de ce que je propose aux ADEM". Quant aux spectacles jeune public, Astrid souhaitait honorer par ses invitations les liens tissés entre les artistes et les ADEM:
L’Arbre magique de Flora Devi, qui aurait dû se produire au Ram Dam Jam, ouvrira le festival le 28 octobre. Seule en scène, la danseuse d’Odissi manie ses talents de conteuse pour lier les mots aux mouvements de la danse indienne.
Le 4 novembre, le musicien Kassoum Coulibaly (également professeur lors des Z’ethnos) viendra au MEG avec la Cie Gazelle Mandiak d’Annecy pour une nouvelle version de son spectacle Niokolokoba, jamais montré en Suisse. Avec humour – comment ne pas rire en voyant les danseur·euse·s affublé·e·s de lunettes de ski –, la pièce musicale traite de sujets comme la différence, l’héritage et le réchauffement climatique.
Enfin, Tapanak revisitera le mythe de l’Arche de Noé en théâtre, vidéo et musique. Ce spectacle adaptable à plusieurs formats pourra être présenté dans sa version complète le 7 novembre à l’Alhambra, avec les décors, les projections, la comédienne et tous les musicien∙ne∙s de l’ensemble de musique ancienne Canticum Novum.
Les valeurs
Réaffirmer les liens existants dans la programmation est une évidence pour Astrid: "Dans la mesure où on a des artistes créatifs, je ne vois pas la nécessité d’avoir sans arrêt du nouveau. On est là pour accompagner des gens, les artistes ne sont pas des objets jetables. Il y une écologie dans ma programmation, avec des propositions pédagogiques liées aux spectacles. Si on prend l’exemple de l’Odissi, c’est une danse tellement riche qu’elle mérite d’être vue sous plusieurs angles. Comme pour la musique classique, c’est non seulement en écoutant les mêmes artistes plusieurs fois mais aussi la même œuvre dans différentes versions qu’on en vient à l’apprécier.
Aux ADEM, baigné dans une ambiance de festival, entouré d’artistes du monde entier à qui il arrive d’improviser ensemble au détour d’une pause, le jeune public s’imprègne de l’autre. Pour Irène, ce qui marque les plus jeunes, c’est lorsqu’ils développent une attache émotionnelle avec les profs. "Pour un enfant, côtoyer une personne passionnée, au-delà de la chorégraphie et du son, c’est une histoire d’énergie qui est transmise".
"En tant que soixantenaire" conclut Astrid, "je peux dire qu’autrefois on n’avait pas autant accès à l’autre. Maintenant, ici, on arrive à donner une place à des cultures qui ne font pas partie de notre patrimoine héréditaire, à les faire connaître et apprécier. C’est un espace de partage artistique, culturel, social et éducatif, non pas pensé pour s’intégrer ou se ressembler mais pour témoigner de ce que l’on est".
Pour aller plus loin :
Du 19 au 23 octobre 2020
Divers lieux à Genève
Inscription: 350.- (repas compris)
Les Nuits du Monde: Escapades musicales
Du 28 octobre au 8 novembre 2020
MEG, Alhambra et Temple Saint-Gervais, Genève
Katia Meylan
Cette année, Les Nuits du Monde, organisées par les Ateliers d'ethnomusicologie (ADEM) en collaboration avec la HEM, présentent quelques-uns des plus beaux récits de l'Histoire humaine, entre divertissement populaire et réflexion philosophique.
Katia Meylan
Dans l'imaginaire populaire, lorsque l'on pense à la Grèce, ce sont souvent l'Antiquité ou le sirtaki qui viennent à l'esprit. Fabrice Contri, directeur des Ateliers d'ethnomusicologie (ADEM), convie les musiques de ce pays le temps d'un festival en mars prochain, permettant ainsi de sortir du carcan des clichés et d'aller à la rencontre d'une culture pétrie d'influences diverses.
Mathieu Clavel
Depuis plusieurs années, les ADEM se sont associés avec l’agence Voyages & Culture, pour proposer des voyages originaux qui mêlent intimement découverte des patrimoines architectural, culturel et musical des pays visités. Du 26 septembre au 4 octobre 2021, un groupe de voyageurs curieux s’est glissé dans les pas de Belà Bartok, un des pères de l’ethnomusicologie, sous la houlette de Doinița, guide et interprète roumaine, et de Mathieu Clavel, complice de longue date des ADEM, musicien et pédagogue, passionné des traditions musicales du monde. Ce dernier signe dans les lignes qui suivent un sympathique témoignage de cette aventure roumaine.
Angela Mancipe
Le 12 décembre prochain, à l’Alhambra, le quintet Halkias-Kostas clôturera l’édition 2021 de notre festival Les Nuits du Monde. Le concert s’articulera autour de l’album Soul of Epirus, enregistré en 2019 par le clarinettiste Petroloukas Halkias et par le laoutiste Vasilis Kostas. Dans un entretien chaleureux et décontracté, Vasilis nous parle du processus d’enregistrement de cet album, un témoin du patrimoine musical d’Épire.
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