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Inauguration du salon de musique des ADEM : escale en Asie du Sud-Est

Les meilleurs moments | 18 novembre 2021 | Jenny Demaret

Le premier salon de musique des ADEM a mis à l’honneur les traditions musicales d’Asie du Sud-Est avec un concert-rencontre de deux éminentes musiciennes genevoises originaires de Chine et du Viêt Nam, Lingling Yu au luth pipa et Trang Minh Nguyen à la cithare dân tranh. C’est au musée Barbier-Mueller que ce moment de suspension a eu lieu le 6 octobre dernier. Le public et les artistes se sont réunis au cœur de l’exposition « Art de Đông Son » qui constituait un écrin sur-mesure, où les objets d’art et la musique entraient tout naturellement en résonance.

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Texte : Jenny Demaret / Photos : Luis Lourenço, musée Barbier-Mueller.

 

 

Ce nouveau dispositif des salons de musique a été envisagé par le directeur des ADEM Fabrice Contri et son équipe comme une alternative aux grands évènements mettant en scène les cultures du monde. Il s’agira ici le plus souvent de profiter du son acoustique des instruments dans un environnement intimiste et chaleureux, de laisser la parole aux artistes et d’inviter toutes les personnes rassemblées à l’échange. Les salons de musique tenteront de « dépasser les frontières souvent infranchissables de la scène », explique Fabrice Contri. Ils permettront non seulement d’initier des partenariats avec divers lieux à Genève, de mettre en valeur des artistes locaux, et de saisir des opportunités telles que la venue d’artistes étrangers à Genève. De multiples formats sont imaginés : concerts commentés, présentations d’ouvrages musicaux, ateliers pédagogiques, rencontres de musique et de danse… autant d’occasions saisies au vol et mises en œuvre sous le signe de la convivialité.

 

 

 

Mercredi 6 octobre 2022, 12h30. En Asie du Sud-Est, le soleil s’apprête à décliner. À Genève, c’est la pause déjeuner. Le hall d’exposition du musée Barbier-Mueller accueille une petite jauge de spectateurs assis à proximité d’un espace scénique matérialisé par deux chaises et deux pupitres. Dans ce même lieu sont exposées de somptueuses pièces de bronze de la culture Đồng Sơn : tambours rituels, armes, bracelets, boucles de ceintures et autres parures. À côté de l’accueil, une carte représente le Nord de l’actuel Viêt Nam. Le public est plongé dans l’histoire et la géographie des lointaines civilisations. Les musiciennes, Lingling Yu et Trang Minh Nguyen, font leur apparition, vêtues de robes aux tissus soyeux et ornés de motifs traditionnels de leurs pays respectifs : la Chine et le Viêt Nam. Lingling Yu présente les instruments, puis les deux artistes jouent en solo, en alternance. Leur jeu est impressionnant de virtuosité et d’expressivité. Entre chaque pièce, leurs interventions verbales accompagnent l’auditoire dans un voyage haut en couleur, traversant plusieurs provinces chinoises et du nord du Viêt Nam en musique. Les mélodies rendent volontiers hommage aux paysages bucoliques asiatiques, aux changements de saisons, ou encore à des récits de vies réelles et légendaires.

 

 

Lingling Yu (luth pipa)

 

L’instrument de Lingling Yu est un luth piriforme[1] traditionnel de Chine nommé pipa. Les quatre cordes en nylon offrent un son clair, chaleureux et percutant. L’instrument est tenu debout sur les genoux de la musicienne, dont la main gauche fabrique les hauteurs de sons en posant les doigts sur des frettes en bois léger, tandis que sa main droite pince les cordes à l’aide d’onglets accrochés au bout des doigts. La musicalité de Lingling se déploie dans de larges nuances. La luthiste met également en valeur une vaste palette de timbres créés par différents modes de jeu, et mis au service d’une musique naturaliste et narrative. Les trémolos lancinants peignent une fine chute de neige, les harmoniques esquissent la douceur du printemps, et les effets de percussion se référant à la cymbale ou au tambour appellent à la danse et à la fête.

 

Trang Minh Nguyen (cithare dân tranh)

 

L’instrument de Trang Minh Nguyen est le dân tranh, cithare sur table composée aujourd’hui de dix-neuf cordes métalliques, disposées sur dix-neuf chevalets mobiles permettant d’affiner l’accordage exigeant de l’instrument. Les doigts de la main droite pincent les cordes à l’aide d’onglets et la main gauche réalise divers effets et des ornements en glissant, appuyant, frappant les cordes avec délicatesse afin de varier le son et de le nuancer. Trang explore la sonorité résonante et cristalline de la cithare et se livre à des interprétations touchantes et suggestives, empreintes de poésie et de quiétude. Les gestes gracieux de la musicienne forment une danse fluide et légère qui donne vie aux mélodies.  Une très ancienne pièce pentatonique[2] dépeint les sentiments d’une femme qui attend son amant au bord de la rivière, le chant de la fleur de lotus évoque la symbolique de cette fleur nationale : la musique évoque tour à tour la pureté, l’engagement de soi et l’optimisme.

Pour conclure ce moment musical et poétique, Yingling Yu et Trang Minh Nguyen mélangent leurs cordes, interprétant trois suites traditionnelles arrangées en duo par Yingling Yu : une danse « folklorique » de la province de Guang Xi, une « danse à la lune » de la province de Yun Nan, et une pièce relatant un amour inaltérable, celui de la princesse Zhaojun.

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Pour aller plus loin :

Découvrez les autres salons de musique des ADEM

le site internet de Lingling Yu : http://www.linglingyu.org

Concert live de Lingling Yu avec Hesperion XXI à la philharmonie de Paris : https://live.philharmoniedeparis.fr/concert/1058633/hesperion-xxi-jordi-savall-ibn-battuta-de-damas-en-chine.html

Le site internet de Trang Minh Nguyen : https://www.minhtrangmusic.com

Le site internet du Musée Barbier-Mueller

 

[1] Piriforme : en forme de poire

[2] Pentatonique : échelle musicale composée de cinq notes

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