Les ADEM proposent cet automne leur festival Les Nuits du Monde, qui donnera accès à une impressionnante diversité de concerts, spectacles et autres événements. L’occasion d’interroger la fonction de la musique dans notre société, nourriture émotionnelle de l’âme et vecteur de lien social.
--------
Texte et propos recueillis par Aurélia Babey
Photo : La Fanfare Palenque à l'affiche du festival les Nuits du Monde 2021
(V)ivre de musique
Depuis 1983, Les Ateliers d’ethnomusicologie de Genève promeuvent les musiques et danses du monde dans toute leur diversité à travers des concerts mais aussi des activités pédagogiques. D’octobre à décembre, l’association présentera son festival régulier de l’automne, Les Nuits du Monde. Au cœur de la programmation, rien de moins que la question fondamentale de la place de la musique dans notre société, plus que jamais interrogée lors de la crise sanitaire que l’on vient de traverser. (V)ivre de musique: la thématique du festival proposée par Fabrice Contri, directeur depuis 2018, en appelle directement à une forme de transcendance. "Qu’elle soit profane ou religieuse, la musique est souvent utilisée comme un outil conduisant à une forme d’ivresse émotionnelle et spirituelle; elle va créer une effervescence propice à s’extraire du quotidien" explique-t-il. Fidèle à l’état d’esprit des ADEM, il a choisi de répondre à cette thématique par une grande diversité. Diversité de styles déjà, puisqu’une multitude de genres et contextes musicaux sont mis en valeur dans la programmation: musiques classiques du monde, musiques populaires, rituelles, sacrées, profanes, composées, improvisées…Diversité géographique aussi, puisque tous les continents (à part l’Océanie) seront représentés.
Plongée dans le monde arabe, le concert de Araw N Fazaz sera l’occasion, d'écouter une musique traditionnelle issue du monde berbère (Maroc) rare sous nos contrées. Le groupe présentera en effet des compositions originales chantées en tamazight (berbère) et en arabe marocain, accompagnées du lotar, instrument à cordes pincées (luth) emblématique de cette musique. Du côté de l’Orient, on annonce notamment la venue de l’ensemble Sepidâr, qui explorera avec la chanteuse Sepideh Raissadat une facette peu abordée du vaste corpus oral et écrit de la musique persane: les compositions du début du XXe siècle, qui témoignent de la rencontre d’une société, d’une culture et d’une tradition avec la modernité occidentale.
***
Atteindre une transe
C’est à ce pouvoir qu’a la musique de nous transcender que font appel de nombreux courants de croyance, partout sur la planète. "Dans le cadre d’une musique à intention spirituelle, on recherche d’autant plus explicitement à atteindre, à pénétrer dans un monde différent, à accéder à des facultés qui ne sont pas des facultés du quotidien, parfois à aller vers une forme de transe", raconte Fabrice Contri. La cérémonie gnawa présentée durant le festival en est un bon exemple: les Gnawa, communauté confrérique issue en partie de l’esclavage subsaharien au Maroc, sont connus pour leurs rituels nocturnes de transe appelés līla (la nuit en arabe dialectal marocain), dans lesquels la musique joue un rôle essentiel. Le 4 novembre, Abdelwahid Stitou et ses fils interpréteront plusieurs suites musicales issues du répertoire de la līla, chacune dédiée à une famille d’esprits. Il en va de même, dans un autre contexte socio-religieux, pour le groupe San Cristóbal de Regla, qui réalisera des rituels associés à la pratique des différents cultes afro-cubains. D’autres concerts du festival, comme celui de la violoniste classique virtuose du Nord de l’Inde N. Rajam et de ses filles et petites filles, en appellent à une forme d’extase plus artistique, esthétique, gustative. Comme le résume Fabrice Contri, "le but recherché est toujours un certain dépassement de soi et du quotidien mais les voies sont différentes, l'hindouisme a beaucoup exploré cette singularité des chemins !".
Le festival comportera aussi des conférences-présentations, en lien avec certains concerts. Des musiciens-ethnomusicologues parleront de leur vécu dans certaines régions, de leur rencontre avec les artistes sur place et des défis auxquels est confronté·e l’ethnomusicologue sur le terrain, toujours en lien avec le questionnement "vivre de musique, faire vivre la musique".
***
Tenir compte des familles
D’ordinaire ramassé sur une plus courte période, le festival se déploiera cette année sur tout le trimestre d’automne. Une volonté éthique de Fabrice Contri de redonner le temps au temps, dans un monde où la rapidité est plus souvent le mot d’ordre. Une temporalité qui permet de multiplier les opportunités de collaborations avec des artistes en tournée dans la région, réduisant ainsi également l’impact écologique de gens qui ne viendraient sinon que pour un concert.
Le week-end des 13 et 14 novembre, la programmation est axée jeune public, avec des horaires l’après-midi pour permettre mêmes aux plus petit·e·s de participer. Le conte musical Tapanak revisitera le mythe de l’Arche de Noé, en proposant la découverte d’une nouvelle terre d’accueil après la tempête. Un véritable voyage des montagnes du Caucase aux rives de la Méditerranée, au son de musiques anciennes d’Arménie, des Balkans et du Moyen-Orient. Le dimanche, Palenque la Papayera, fanfare de la région Caraïbe colombienne, fera résonner l’Alhambra de sa musique joyeuse, et danser sur les rythmes typiques de la région (cumbia, porro, puya, fandango…). À l’origine de la programmation de ce week-end jeune public se trouvent Fabrice Contri et le nouveau chargé de pédagogie des ADEM, Julio D’Santiago, percussionniste, multi-instrumentiste et compositeur vénézuélien, diplômé en musicologie et enseignant de percussions. L’arrivée de cette nouvelle recrue, dans la continuité de sa prédécesseure Astrid Stierlin, marque la volonté des ADEM de donner une place toujours plus importante aux enfants et aux familles, en cherchant notamment à éveiller chez les jeunes une sensibilité musicale.
***
Les Nuits du Monde
Du 5 octobre au 12 décembre 2021
Divers lieux, Genève
https://adem.ch/fr/les-nuits-du-monde-88
Katia Meylan
Cette année, Les Nuits du Monde, organisées par les Ateliers d'ethnomusicologie (ADEM) en collaboration avec la HEM, présentent quelques-uns des plus beaux récits de l'Histoire humaine, entre divertissement populaire et réflexion philosophique.
Katia Meylan
Dans l'imaginaire populaire, lorsque l'on pense à la Grèce, ce sont souvent l'Antiquité ou le sirtaki qui viennent à l'esprit. Fabrice Contri, directeur des Ateliers d'ethnomusicologie (ADEM), convie les musiques de ce pays le temps d'un festival en mars prochain, permettant ainsi de sortir du carcan des clichés et d'aller à la rencontre d'une culture pétrie d'influences diverses.
Mathieu Clavel
Depuis plusieurs années, les ADEM se sont associés avec l’agence Voyages & Culture, pour proposer des voyages originaux qui mêlent intimement découverte des patrimoines architectural, culturel et musical des pays visités. Du 26 septembre au 4 octobre 2021, un groupe de voyageurs curieux s’est glissé dans les pas de Belà Bartok, un des pères de l’ethnomusicologie, sous la houlette de Doinița, guide et interprète roumaine, et de Mathieu Clavel, complice de longue date des ADEM, musicien et pédagogue, passionné des traditions musicales du monde. Ce dernier signe dans les lignes qui suivent un sympathique témoignage de cette aventure roumaine.
Angela Mancipe
Le 12 décembre prochain, à l’Alhambra, le quintet Halkias-Kostas clôturera l’édition 2021 de notre festival Les Nuits du Monde. Le concert s’articulera autour de l’album Soul of Epirus, enregistré en 2019 par le clarinettiste Petroloukas Halkias et par le laoutiste Vasilis Kostas. Dans un entretien chaleureux et décontracté, Vasilis nous parle du processus d’enregistrement de cet album, un témoin du patrimoine musical d’Épire.