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Dans les coulisses des Jardins des ADEM

Les meilleurs moments | 5 juin 2020 | Angela Mancipe

En ces temps de déconfinement, le vendredi 29 mai marquait l’ouverture des Jardins des ADEM. Il s’agit d’un projet musical organisé en collaboration avec l’AMR et l’émission Zanzibar sur RTS-Espace2. Il propose au public une série de concerts radiodiffusés, consacrés aux musiques du monde, interprétées par des musicien.n.e.s habitant la région. Ethnosphères magazine a assisté à la première séance d’enregistrement et vous livre un reportage en images et en musique ! 

 

 

 

LE PROJET

Fabrice Contri, directeur et programmateur musical des ADEM, explique la genèse et l’esprit du projet Les jardins des ADEM ainsi :

 

« Ces derniers temps, on a tous souffert à cause de l’enfermement. Or, on s’est beaucoup évadé par le rêve, et la musique contribue bien à cela. À l’instar d’un jardin, et comme un espace unique de liberté, la multiplicité et la diversité sont cultivées aux ADEM. C’est cela que l’on a voulu garder en tête dans ce projet. Un appel à l’imaginaire. »

 

Le trio Zafîf en concert. Les musiciens accordent leurs instruments et se préparent pour le concert.
(De gauche à droite, Gabriel Valtchev- percussion - Khalil Bensid - luth guembri -, Samir Mokrani - luth ‘ûd.)

 

L’ENREGISTREMENT

Il est 9h15 du matin. La salle de concert de l’AMR est vide, mais prête à accueillir une journée d’enregistrement consacrée aux musiques du monde. Vincent Zanetti, le producteur musical, Laurent Déchanez, l’ingénieur du son de la RTS, et Stéphan Mauclaire, l’ingénieur du son de l’AMR, attendent les musiciens sur place. Quinze minutes après, les musiciens du Trio Zafîf arrivent. Samir Mokrani, en premier, prend place et se met à accorder patiemment ses luths, 'ûd et sāz. Khalil Bensid et Gabriel Valtchev, les deux autres musiciens de l’ensemble les rejoignent juste après, un grand sourire aux lèvres. L’ambiance se veut tout de suite conviviale et chaleureuse, tout en gardant la concentration pour le concert à enregistrer. Les musiciens prennent leurs places ; les microphones, les lumières et les enceintes aussi. Il s’agit bien d’un concert, même si c’est à huis clos.

 

PREMIÈRE PARTIE : TRIO ZAFÎF

Le trio Zafîf, formé en 2017 à Genève et dont le nom évoque en arabe le « bruissement du vent », se définit lui-même comme une aventure musicale novatrice au carrefour des cultures européennes, africaine et turco-arabe, façonnant des sonorités mixtes qui entremêlent rythmes gnawa, G-funk, mélismes arabes et anatoliens.

Pendant l’enregistrement, une myriade d’instruments que les musiciens ont apportés font leur apparition sur scène. Samir Mokrani alterne les luths 'ûd et sāz. Khalil Bensid, pour sa part, démarre la journée avec le luth guembri, instrument cordophone qui trouve ses origines au sein des traditions gnawa, en Afrique du Nord. Dans certaines pièces, le musicien installe sur le manche de son instrument une plaque de métal avec des anneaux suspendus, qui font office de sonnailles et qui produisent un effet sonore particulier lors du jeu.

Le musicien laisse les pièces comportant la basse électrique pour la fin de la séance. Khalil Bensid joue également les crotales à l’occasion d’une chanson traditionnelle d’origine bulgare, ce qui montre la versatilité des musiciens ainsi que les multiples influences qui façonnent leur esthétique musicale.

Gabriel Valtchev joue différents instruments de percussion, notamment le daf (tambour sur cadre) ainsi que le tambour tapan, d’origine bulgare, constitué d’une caisse de résonance cylindrique en bois sur laquelle sont tendues deux peaux de chèvre ou de mouton. L’instrument a la particularité d’être joué à l’aide de deux baguettes, une pour chaque côté. L’une très fine, l’autre très grosse. Gabriel joue également la flûte kaval, instrument des bergers largement utilisé dans les musiques traditionnelles des Balkans. Pour Les jardins musicaux des ADEM, l’instrument est employé lors de l’interprétation d’une mélodie originaire de Thrace, région de la péninsule balkanique, à l’heure actuelle partagée entre la Bulgarie, la Grèce et la Turquie.

 

Le trio Zafîf propose un arrangement pour flûte kaval, luth guembri et oud d’une chanson traditionnelle bulgare.

 

L’enregistrement n’a pas été facile. Entre vibrations et grésillements du ‘ûd, entre raccords et réaccords et plein de regards complices, nous avons pu saisir les difficultés qui surgissent lorsque l’on souhaite favoriser une atmosphère de concert tout en répondant aux exigences de qualité d’un enregistrement radiophonique. C’est aussi l’un des défis des Jardins des ADEM.

Dans un esprit de synthèse de langages musicaux différents qui réunit l’esprit gnawa (sans forcément jouer le répertoire traditionnel), la richesse rythmique des musiques des Balkans et des influences musicales yéménites et algériennes, le trio Zafîf a fait preuve d’une grande fantaisie, montrant un bel éventail de couleurs sonores et d’ambiances. Le trio confie vouloir envoûter son public grâce à des superpositions rythmiques complexes qui conduisent par leurs forts effets corporels à une sorte d’ivresse.

 

DEUXIÈME PARTIE : DUO R&R

Le Duo R&R, portant les initiales des noms de famille des musiciens Pedro Ratto et Claire Rüfenacht, naît en 2014 d’une rencontre sur une piste de danse d’une milonga porteña*, genre musical très proche du tango et à la fois un espace social propice pour la danse. « Le duo R&R définit sa musique comme porteuse d’une diversité de styles qui reflète l’inventivité particulièrement féconde de la tradition musicale argentine. Cette dernière « est nourrie de multiples influences venues d’Amérique latine, d’Afrique et d’Europe, qui portent en elles une histoire complexe et tourmentée » souligne F. Contri.

Le groupe est arrivé en début d’après-midi à l’AMR, muni d’une guitare, d’un guitarrón, d’une melódica et d’un bombo, instrument de percussion que l’on rencontre dans toute l’Amérique latine sous différentes déclinaisons. Celui de l’ensemble est originaire de Santiago del Estero, au centre-nord de l’Argentine. Il a été construit par el indio Froilán González, luthier et constructeur de renom d’instruments de percussion argentins et latino-américains. 

Vincent Zanetti donne la consigne qui laisse sentir le ton dans lequel la séance d’enregistrement se déroulera : « Pensez que vous jouez pour un public, pensez aux gens que vous aimez. Vous vous adressez à eux, vous êtes dans l’échange » a-t-il dit. Une fois encore, l’idée de restituer la vie du concert est privilégiée.

Durant le concert, le duo R&R nous a proposé un voyage musical en Argentine. Des tangos et des milongas porteñas*, celles originaires de Buenos Aires, mais aussi des rythmes tels que la chacarera, le chamamé, la zamba, les vals et la polka correntina, propres à d’autres régions argentines, ont complété le parcours musical du duo. Son répertoire consiste en un recueil musical très divers, qui inclut les « œuvres » de nombreux compositeurs argentins. Commençant par des compositions et des textes du célèbre poète chanteur et musicien argentin Atahualpa Yupanqui, le duo a ensuite revisité des pièces d’autres compositeurs de la région et a aussi présenté quelques-unes de ses propres compositions.

Les musiciens ont souligné l’importance de la guitare dans la pratique musicale porteña*, ainsi que la place notable de l’improvisation dans le chant du tango et dans les musiques populaires argentines en général. Ces éléments seront à découvrir lors de l’émission Zanzibar le 19 juin prochain.

*Relative à la ville de Buenos Aires

 

 

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LES JARDINS DES ADEM

Cette nouvelle programmation connaîtra sa première diffusion le 19 juin à 20h dans le cadre de l'émission Zanzibar, sur Espace 2, RTS.

Cliquez ici

 

 

 

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EN REGARD

 

COURS ADEM

- Pedro Ratto, du duo R&R, propose des cours présentiels et online de guitare de tango et d’airs folkloriques d’Argentine au sein de notre association. Pour plus de renseignements à propos de ces cours, cliquez ici

 

 

 

 

 

 

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